Les 24 et 25 avril 2025, l’Université de Lomé accueille un colloque international de grande envergure placé sous le thème : « Reconstruire le monde, 70 ans après Bandung : Quelle solidarité pour une communauté de destin Afrique-Asie ? » Cet événement est coorganisé par le Centre de Recherche Chine-Afrique (CRCA) de l’Université de Lomé, l’Institut d’études afro-asiatiques et internationales (AFRASI) du Burkina Faso, l’Institut des études africaines de la Zhejiang Normal University (Chine) et l’ambassade de la République populaire de Chine au Togo. Il s’inscrit dans une volonté commune de raviver l’esprit de Bandung, d’en tirer les leçons et de formuler de nouvelles perspectives de coopération afro-asiatique.

La Conférence de Bandung, tenue en 1955, fut un moment fondateur pour les nations du Sud, soucieuses d’affirmer leur souveraineté, de rejeter toute forme de domination et de construire une vision du monde fondée sur la paix, le respect mutuel et la solidarité. Soixante-dix ans plus tard, ce colloque organisé à Lomé pose la question cruciale du renouveau de cette solidarité dans un contexte mondial marqué par les crises économiques, le changement climatique, les déséquilibres géopolitiques et les tensions identitaires.
Dans son discours, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, M. Kanka-Malik Natchaba, a souligné que :« L’organisation de cette conférence témoigne de la qualité des relations entre la République populaire de Chine et la République togolaise. Le multilatéralisme est aujourd’hui mis à mal par des dynamiques fondées sur la protection des économies nationales. Face à cela, Bandung nous invite à repenser un monde basé sur la coopération, la justice et la diversité. » Le ministre a également salué l’initiative du CRCA et de ses partenaires, qui mobilise la recherche universitaire comme levier central d’une nouvelle forme de coopération entre le Togo et la Chine.

Le président de l’Université de Lomé, le professeur Adama Mawulé Kpodar, a rappelé l’importance de cette rencontre dans la dynamique de repositionnement stratégique des universités africaines : « La Conférence de Bandung a marqué une étape cruciale dans l’établissement de solidarités entre les nations africaines et asiatiques face au colonialisme et à l’impérialisme. Soixante-dix ans plus tard, la question demeure de savoir comment ces solidarités peuvent être renforcées pour un avenir commun. » Et de poursuivre : « Pour bâtir un avenir commun afro-asiatique, les leçons de Bandung doivent être réactualisées et adaptées aux réalités du 21e siècle. La solidarité et la coopération restent des piliers essentiels pour relever les défis globaux et créer un monde plus juste et équitable. »
Le professeur Isaac Brazié, co-président du comité d’organisation et directeur de l’Institut AFRASI, a livré une analyse empreinte de profondeur historique et de lucidité politique : « Commémorer Bandung, ce n’est pas céder à une nostalgie du passé, mais poser un regard lucide et prospectif sur notre avenir commun. C’est réactualiser les idéaux de solidarité, de souveraineté et de respect mutuel pour penser un monde équitable, affranchi des logiques dominantes. Bandung fut un moment catalyseur, une heure zéro, où les peuples africains et asiatiques ont pensé ensemble leur devenir, hors de toute tutelle. »
Dans son mot de bienvenue, le professeur Joseph Tsigbé, président du Comité d’organisation et directeur du Centre de Recherche Chine-Afrique (CRCA), a rappelé la pertinence historique et politique de cette rencontre : « Il est de bon ton de marquer une pause pour questionner l’état du mouvement lancé à Bandung. Les principes issus de cette conférence restent d’actualité, tout comme l’appel du président Soekarno à reconstruire le monde. »

Présent à l’ouverture du colloque, SEM Weidong Chao, ambassadeur de Chine au Togo, a quant à lui, mis en lumière la profondeur historique et l’actualité du partenariat sino-africain : « L’esprit de Bandung, marqué par la solidarité, l’amitié et la coopération, continue d’inspirer la relation entre la Chine et les pays africains. Dans un monde où le multilatéralisme est mis à mal, il est essentiel de défendre le système international fondé sur l’équité, de promouvoir une mondialisation inclusive et d’encourager les échanges entre les civilisations. La Chine est prête à travailler main dans la main avec ses partenaires africains pour construire une communauté de destin partagée et relever ensemble les défis du XXIᵉ siècle. »

Les discussions ont mis en évidence plusieurs pistes de collaboration concrètes entre l’Afrique et l’Asie notamment : le développement de partenariats commerciaux équitables et d’échanges technologiques pour soutenir la croissance inclusive ; la lutte commune contre le changement climatique, via le partage de ressources et de savoir-faire en matière d’énergies renouvelables ; la mise en place de programmes éducatifs et d’échanges culturels pour renforcer les liens entre les jeunesses africaines et asiatiques ; la promotion de valeurs de démocratie, de respect des droits humains et de la gouvernance inclusive.
À travers ce colloque, l’Université de Lomé confirme sa vocation de carrefour de la pensée critique et d’acteur engagé dans la diplomatie académique Sud-Sud. En ouvrant ses portes à ce dialogue historique, elle réaffirme son ambition de contribuer à la transformation du continent africain par le savoir, la recherche et l’innovation.
