Le Laboratoire de Recherche sur la Littérature Africaine et Francophone (LaRLAF) du département des Lettres Modernes a organisé, ce 14 mai, sa deuxième journée de réflexion. Après la première, tenue le 30 avril dernier, cette deuxième journée a réuni des étudiants et chercheurs de diverses spécialités pour une réflexion sur l’intelligence artificielle et ses enjeux en matière de création artistique. La journée a été marquée par une conférence animée par le professeur Mawusse Kpakpo Akue Adotevi, philosophe, directeur de l’ISICA, et modérée par le professeur Martin Dossou Gbenouga, littéraire et directeur du Village du Bénin.

Placée sous le thème « Quelle place pour la création artistique à l’ère de l’Intelligence artificielle ? », la conférence de ce mercredi visait à susciter des réflexions critiques sur la création artistique et l’intelligence artificielle de nos jours. Pour y arriver, le conférencier a choisi d’« aborder le sujet dans une perspective épistémologique ». Pour le professeur Akue Adotevi, la création artistique suppose la présence de raison et de sentiment car dans chaque œuvre transparaît la subjectivité de son créateur. Cependant, reconnaît-il, l’évolution des IA a permis d’aboutir à la création de diverses œuvres d’art. Le conférencier cite des exemples réels de créations artistiques générées par l’intelligence artificielle dans la littérature, les arts plastiques, la musique et bien d’autres. Une telle observation suscite alors des questions : « Quelle serait la valeur artistique d’un roman produit par une intelligence artificielle générative ? » ou encore, peut-on admettre « à tout point de vue qu’une IA bien programmée, dotée d’une grande capacité de mémoire, d’une rapidité de traitement des données soit capable de création artistique ? » A ces questions, le conférencier répond que « ce qui fait la valeur de la création artistique, c’est la mise de l’idée en sentiment par un individu qui est l’artiste qui, au travers de cela, participe à l’expression des grandes lois qui régissent le cœur de l’homme. Et cela est certes une fonction de l’intelligence. Mais c’est beaucoup plus une fonction de l’imagination ; fonction humaine par excellence ».
Pour le professeur Akue Adotevi, l’intelligence artificielle n’étant pas capable, elle-même, d’imagination sans y avoir été programmée au préalable, ne produit pas donc d’œuvre artistique au même titre que l’humain. La place de la création artistique à l’ère de l’intelligence artificielle est en réalité celle de l’homme lui-même, soutient-il. Néanmoins les prouesses réalisées par l’intelligence artificielle de nos jours poussent l’homme à s’en servir au point de déboucher sur une « robotisation de notre civilisation », fait-il observer.

La conférence a suscité un grand intérêt autant de la part des étudiants présents que des chercheurs ayant pris part à cette journée de réflexion. Pascal Alowou, étudiant en Lettres modernes se veut désormais prudent dans l’utilisation de l’IA pour avoir compris que la particularité d’une œuvre artistique réside dans la subjectivité de son auteur et de la transmission de ses sentiments à travers sa création. Pour lui, se faire aider par l’IA dans la production de certaines œuvres peut « déformer l’authenticité de l’œuvre, s’il s’agit d’une œuvre en lien avec ma culture, mes traditions, mes sentiments et que l’IA n’a pas les informations nécessaires sur ces éléments ».
La question de l’utilisation de l’IA interroge autant les spécialistes des sciences et technologies que ceux des humanités. C’est ainsi que pour le professeur Komi Kouvon, philosophe, spécialiste de l’éthique : « sans un usage rationnel de l’IA, on risque d’aboutir à des dérives. C’est pourquoi il faut un encadrement qui ne se limite pas seulement à l’information, mais au partage des valeurs humaines, afin que l’on fasse un usage assez responsable de l’intelligence artificielle. C’est là le rôle de l’enseignant ; expliquer à l’apprenant les menaces qui pèsent sur l’humanité. Si on laisse la réflexion humaine pour se contenter de celle de l’IA, nous risquons d’aboutir à la déshumanisation de l’homme, surtout que derrière l’IA il y a des groupes d’intérêt, nous devons donc faire très attention ».
Cette conférence compte pour la deuxième journée de réflexion du LaRLAF. Le laboratoire saisit cette occasion pour se prononcer sur les débats de l’heure et réaffirmer sa place dans les réflexions pluridisciplinaires, en associant littérature et humanités sur le sujet d’ordre transversal qu’est l’intelligence artificielle.
