Le vendredi 09 mai 2025 à l’institut Confucius de l’Université de Lomé, s’est déroulée une conférence autour du livre « frontière et tensions militaro-diplomatiques entre le Togo et le Ghana (1914-1998) » écrit par M. Essoham Assima-Kpatcha, professeur titulaire en histoire, responsable du Groupe de recherche sur l’histoire des économies et des sociétés africaines (GRHESA) de l’Université de Lomé. L’événement s’est déroulé en présence de toutes les composantes de la communauté universitaire et des personnalités telles que le professeur Octave Nicoué Broohm, ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, modérateur de la conférence, et le directeur adjoint de Direction de la Recherche et de l’Innovation (DRI), le professeur Agbonon Amegnona.
Dans son intervention, le professeur Essoham Assima-Kpatcha a d’abord déclaré que l’idée d’écrire son ouvrage lui est venue de la résurgence des revendications indépendantistes du Togo britannique ayant émergé ces derniers temps, alors que la question semblait être définitivement close. Il a ensuite précisé qu’il voulait aussi faire connaître à la jeune génération l’histoire tumultueuse des relations entre le Togo et le Ghana. Enfin, il s’est exercé à retracer les grandes étapes des tensions militaires et diplomatiques qui ont caractérisé la cohabitation entre deux pays.

Son exposé est parti d’une question : comment est-on passé des difficultés de transmission d’une frontière coloniale à une situation de tensions exacerbées entre deux États africains indépendants ? Il y a répondu en précisant que cette interrogation renvoie au remodelage des frontières du Togoland, le Togo allemand, dont le territoire a été fracturé en deux parties après l’occupation de cette colonie par les forces anglo-françaises au cours de la Première Guerre mondiale.
Ce morcèlement a été à l’origine des aspirations nationalistes ayant réclamé le remembrement de cette entité dès les années 1940. Le processus de décolonisation des années 1950 a aggravé ces revendications, dans un contexte où le leader ghanéen Kwame Nkrumah, soucieux de constituer les « États-Unis d’Afrique », a ourdi et réalisé l’absorption de la portion occidentale de l’ancienne colonie allemande par le Ghana. Ainsi, a été allumée la mèche de la discorde entre les dirigeants togolais et ghanéens, qui se sont retrouvés au cœur d’intenses activités subversives, alimentant les tensions militaires et diplomatiques.

Le Togo et le Ghana, pris dans l’engrenage de la confrontation durant les décennies 1960, 1970 et 1980, ont subi, pour le premier, des tentatives de putschs des « mercenaires » et des « assaillants », ainsi que des « terroristes » ; et pour le second, des soutiens aux mouvements sécessionnistes. Les deux États semblaient irréconciliables. Pourtant, dans l’ambiance des années 1990, où le dissentiment était au paroxysme, l’apaisement des antagonismes entre les deux pays a retenti comme la fin brutale d’une bataille acharnée.
Durant sa présentation, le professeur Assima-Kpatcha a analysé en détail les évènements relatifs aux différentes phases des relations entre le Ghana et le Togo. Il a qualifié la première, qui situe dans les années 1960, de phase de tensions dues aux velléités impérialistes ghanéennes. Pour lui, la phase des années 1970, est celle des tensions résultant du sécessionnisme, tandis que les années 1980 correspondent à la période de la haine entre les présidents Eyadema et Rawlings. Par ailleurs, il a affirmé que la décade 1990 est celle des tensions impactées par la démocratisation.
À la fin de sa présentation, les préoccupations exprimées ont tourné autour du caractère actuel de problème du Togo britannique, de la possibilité de récupération de ce territoire, de la représentativité des leaders de la cause sécessionniste, etc.

Le professeur Assima-Kpatcha a répondu aux interrogations exprimées en soulignant les incertitudes entachant les possibilités de récupérations de cette ancienne colonie, en montrant que ce sujet est au cœur de l’actualité et en démontrant non seulement la popularité des leaders de la cause sécessionniste, mais aussi le caractère légitime de leurs revendications. Il a insisté sur le fait que le relatif sous-développement de l’ex-Togo britannique à l’intérieur du Ghana traduit une sorte de peur des pouvoirs publics de ce pays d’investir dans un territoire susceptible de s’émanciper à tout moment. Il a démontré que les responsables actuels du mouvement séparatiste ne réclament pas, comme jadis, leur rattachement au Togo, mais exigent l’accession à la souveraineté internationale. Ce glissement, selon le professeur Assima-Kpatcha, est peut-être dû à un niveau moindre de développement de l’actuel République togolaise, en comparaison du Ghana. Pour finir, le conférencier a souligné que la grandeur d’un pays ne vient pas forcément de son étendue. Ainsi, le Togo, même amputé de sa partie la plus riche qu’est le Togo britannique, peut se développer au point de s’ériger en modèle.
La conférence dédiée à l’ouvrage du Professeur Essoham Assima-Kpatcha a brillamment mis en lumière l’importance de revisiter l’histoire pour éclairer les enjeux contemporains. En décryptant les tensions militaro-diplomatiques entre le Togo et le Ghana, l’auteur offre non seulement une analyse rigoureuse des fractures coloniales, mais aussi des clés pour comprendre les dynamiques régionales actuelles. Cet événement, marqué par des échanges riches et des débats pertinents, témoigne de l’excellence de la recherche menée à l’Université de Lomé et de son rôle central dans la production d’un savoir au service du développement et de la paix. Une fierté pour notre institution, qui continue ainsi à nourrir le dialogue scientifique et à inspirer les générations futures.
