Création littéraire, éthique et droit : le LaRLAF initie une réflexion pluridisciplinaire à l’Université de Lomé

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Le Laboratoire de Recherche sur la Littérature Africaine et Francophone (LaRLAF) de l’Université de Lomé a organisé, ce mercredi 30 avril 2025, une journée scientifique autour du thème central : « la création littéraire et ses implications éthiques et juridiques ». Cette initiative s’inscrit dans la volonté du laboratoire de nourrir la réflexion critique sur les fondements, les enjeux et les limites de l’acte créatif dans les sociétés contemporaines.

Placée sous le signe du dialogue interdisciplinaire, la journée a rassemblé enseignants-chercheurs, juristes, étudiants et passionnés de lettres autour de deux communications principales : « Création littéraire et éthique » et « Liberté de création et contraintes juridiques ». Ces conférences ont été respectivement animées par le professeur Komi Kouvon, spécialiste de l’éthique et enseignant-chercheur au département de philosophie, et le professeur Ampah Johnson Ansah, juriste, enseignant-chercheur à la Faculté de droit.

Dans une communication dense et stimulante, le professeur Komi Kouvon a exploré la dimension éthique de la création littéraire à travers le concept central d’autocréation. Selon lui, « créer, c’est se créer ». L’acte de création artistique ne se limite pas à produire une œuvre : il engage profondément l’identité et les valeurs du créateur.

Le professeur a structuré son intervention autour de quatre moments de l’autocréation : la décision éthique, qui engage le créateur dans une quête de sens ; la conscience de l’immensité de la tâche, qui invite à l’humilité ; l’engagement personnel et social, qui transforme l’auteur et son environnement ; et enfin, les conditions éthiques de cette transformation à savoir l’ouverture à la société, la sincérité, la loyauté, la justice et le courage.

Pour lui, une société qui ne garantit pas la liberté de pensée et d’expression, limite la puissance créatrice de ses citoyens. Il affirme que la liberté littéraire ne peut s’épanouir que dans un cadre où l’ouverture sociale rencontre l’exigence morale. « La sincérité, la loyauté envers soi-même, la justice dans le respect de l’autre et le courage de traduire ses principes en action sont les piliers éthiques de toute création véritable », a-t-il déclaré.

Prenant le relai, le professeur Ampah Johnson Ansah, ancien chef du département de droit privé, a apporté un éclairage complémentaire sur les contraintes juridiques qui régissent la liberté de création. Intitulée « Liberté de création et contraintes juridiques », sa communication a rappelé que la liberté de créer, bien que garantie par les textes fondamentaux (notamment les articles 4 et 5 de la Constitution togolaise), n’est pas illimitée.

Il a souligné que le droit organise la vie sociale en fonction de deux impératifs : l’ordre public et la moralité publique. Ces derniers agissent comme des balises encadrant la liberté d’expression artistique. « La création artistique, pour être féconde, doit être consciente de ses responsabilités envers la société », a-t-il précisé. Il a aussi expliqué que le juge joue un rôle fondamental dans la régulation des libertés, à travers ce qu’il appelle le contrôle de proportionnalité, qui permet d’évaluer si une œuvre porte atteinte à l’équilibre social.

Le professeur Johnson a rappelé que, « tout en célébrant le génie créatif, nous devons aussi veiller à ce que la création ne devienne pas un outil de désintégration sociale ou d’atteinte à la dignité humaine ».

La pertinence des communications n’a pas laissé les étudiants indifférents. Mahou Kombieni, étudiant en Lettres modernes, a exprimé sa gratitude pour cette occasion qui lui a permis de comprendre les liens entre création et responsabilité : « J’ai compris qu’il ne suffit pas d’écrire ; il faut écrire avec conscience, avec raison, dans un cadre organisé. Cela donne plus de sens à ce que nous produisons ». Pour Kobina Laré, également étudiant en Lettres modernes, cette journée fut une expérience d’épanouissement intellectuel : « Ce genre d’initiatives nous aide à mieux réfléchir sur notre rôle d’étudiant, de créateur, et de citoyen. Si cela pouvait être régulier, ce serait un véritable plus dans notre formation ».

Cette journée a aussi permis de promouvoir l’interdisciplinarité, souvent absente des parcours universitaires classiques. Comme l’a souligné le professeur Kouvon, « la tâche pédagogique doit davantage intégrer le pluralisme intellectuel pour enrichir la formation et mieux préparer les étudiants aux défis du monde contemporain ».

A travers cette journée, le LaRLAF dirigé par le professeur Martin D. Gbenouga, a une fois de plus démontré son engagement pour une littérature ancrée dans les réalités sociales, ouverte à d’autres disciplines, et soucieuse des enjeux contemporains de la liberté, de la justice et de l’éthique. L’Université de Lomé quant à elle, réaffirme sa vocation de creuset de savoir et de réflexion critique, capable de rassembler les disciplines, de faire dialoguer les générations et de penser la création artistique dans toutes ses dimensions.

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