Alors que le Togo s’engage résolument dans l’ère de la Vᵉ République, marquée par la mise en place de nouvelles institutions, l’Université de Lomé a accueilli une conférence majeure sur le Conseil d’État et son rôle dans la fabrique du droit administratif. Organisée le mardi 18 février 2025 par le Centre de Droit Public (CDP), cette rencontre a réuni universitaires, praticiens du droit et étudiants autour d’un thème central : « Le Conseil d’État et la fabrique du droit administratif ». L’événement, animé par monsieur Guillaume Goulard, conseiller d’État français, s’est tenu dans la salle Ahadzi-Nonou de la présidence de l’Université de Lomé, en présence du professeur Adama Mawulé Kpodar, président de l’Université, et du professeur Kossivi Hounaké, ministre délégué auprès du ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Consommation locale, directeur adjoint du CDP et modérateur de la conférence.
Dans son mot d’ouverture, le professeur Hounaké, a remercié le président de l’Université pour avoir prêté son concours multiforme à l’organisation de la conférence. Il a souligné l’importance de cette rencontre pour éclairer les acteurs du droit sur les enjeux liés à la création du Conseil d’État au Togo, prévue par la Constitution du 6 mai 2024. Il a retracé l’évolution historique du droit administratif français, en insistant sur l’arrêt Blanco, souvent considéré à tort comme le point de départ de ce droit. Selon professeur Hounaké, cet arrêt a plutôt consolidé des principes préexistants depuis l’arrêt Rothschild, tout en marquant une étape décisive dans la structuration du droit administratif. Il a également abordé les défis initiaux de ce droit, notamment sa coexistence complexe avec le droit privé appliqué par le juge judiciaire, et a expliqué comment les théories juridiques (État débiteur, emprise, voie de fait, etc.) ont progressivement défini les contours de la compétence administrative.

Guillaume Goulard, conseiller d’État français, a pris la parole pour approfondir la réflexion. Il a présenté une analyse détaillée du modèle français du Conseil d’État, en mettant en lumière son rôle historique dans l’évolution du droit administratif depuis plus de deux siècles. Il a également explicité la structure juridictionnelle prévue par la nouvelle Constitution togolaise, qui établit une distinction claire entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif, avec le Conseil d’État destiné à devenir la juridiction suprême de l’ordre administratif. « La Constitution de la cinquième République au Togo a prévu l’existence de deux ordres de juridiction : l’ordre judiciaire et l’ordre administratif, et le Conseil d’État togolais sera la juridiction suprême de l’ordre administratif, tout comme en France », a-t-il expliqué. Selon M. Goulard, le Conseil d’État togolais, en tant que juridiction suprême de l’ordre administratif, jouera un rôle crucial dans la régulation des relations entre les administrés et les administrations publiques.

Le conférencier a défini le droit administratif comme le cadre juridique régissant les relations entre les administrés et les administrations publiques. Il a insisté sur le rôle crucial du juge administratif pour trancher les litiges et s’assurer que les décisions administratives respectent le cadre légal, que ce soit par la voie contentieuse ou consultative. Un point fort de son intervention a été l’évocation d’une possible coopération entre le Conseil d’État français et les autorités togolaises. Bien qu’aucun accord formel n’ait encore été conclu, M. Goulard a exprimé la volonté de la France de partager son expertise pour accompagner le Togo dans la mise en place de cette institution. Cette collaboration pourrait s’avérer essentielle pour garantir l’indépendance et l’efficacité du futur Conseil d’État togolais.
Le débat qui a suivi a permis aux participants d’approfondir leurs connaissances sur les défis liés à la création d’une telle institution. Les échanges ont notamment porté sur la difficulté pour un juge administratif de trancher des litiges impliquant l’administration, les spécificités du recrutement des juges administratifs, ainsi que sur les critères de moralité et de compétence nécessaires pour garantir l’indépendance des conseillers d’État. Les intervenants ont souligné l’importance de s’inspirer des expériences étrangères, notamment française, pour construire une institution solide et crédible.

Cette conférence a offert une plateforme riche en enseignements pour les acteurs du droit togolais. Elle a non seulement permis de mieux comprendre les enjeux liés à la création du Conseil d’État, mais aussi de valoriser l’expertise de l’Université de Lomé dans la réflexion sur les réformes institutionnelles. En s’appuyant sur les expériences internationales et en favorisant le dialogue entre universitaires et praticiens, le Togo se donne les moyens de construire une institution juridictionnelle robuste, garante de l’État de droit et de la démocratie. Cette initiative témoigne de l’engagement de l’Université de Lomé à participer à la mise en place des grandes réformes nationales, renforçant ainsi sa position comme un pôle d’excellence académique et intellectuelle en Afrique.
