À l’occasion du cinquantenaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), une conférence de haut niveau s’est tenue ce le jeudi 29 mai 2025, à la Blue Zone Cacaveli à Lomé, sous le haut patronage du président du Conseil, Son Excellence Faure Essozimna Gnassingbé. Placée sous le thème « 50ᵉ anniversaire de la Cedeao : Gnassingbé Eyadema et l’intégration économique », cette rencontre a réuni membres du gouvernement, présidents des institutions de la République, diplomates, chercheurs, politiques et étudiants pour honorer la mémoire du père de la nation togolaise et son rôle fondateur dans la construction de l’unité régionale.
L’événement, organisé par le Comité national des hommages au père de la nation, a débuté par une série d’allocutions mettant en lumière l’engagement indéfectible de Gnassingbé Eyadema pour la Cedeao. L’ambassadeur Barros Bacar Banjai, représentant-résident de la Cedeao au Togo, a ouvert le bal en saluant « un homme qui a incarné et défendu les missions fondamentales de notre organisation ». Il a rappelé les quatre piliers de la Cedeao – union économique, libre circulation, paix et démocratie – tout en soulignant que « la Cedeao n’est pas seulement celle des États, mais aussi des citoyens ». Un appel à l’appropriation populaire des valeurs communautaires a clôturé son propos.

Le professeur Kodjona Kadanga, président du Comité scientifique des hommages, a ensuite replongé l’auditoire dans les coulisses de la création de la Cedeao en 1975. Citant des témoignages historiques, il a évoqué la rencontre décisive entre Eyadema et le président nigérian Yakubu Gowon en 1972, où « l’idée d’une union économique ouest-africaine a germé ». Malgré les scepticismes relayés par l’interrogation suivante : « Comment un petit pays francophone comme le Togo pourrait-il s’unir au géant anglophone Nigeria ? », cette vision a triomphé, donnant naissance à une institution aujourd’hui incontournable.
La conférence principale, animée par Dr Afi Kuagbenu, enseignante-chercheuse à l’Université de Lomé, a détaillé l’apport concret d’Eyadema à l’intégration économique. Selon elle, l’ancien président togolais a été à la fois « initiateur et consolidateur » de la Cedeao. Dès 1968, il posait les bases avec des accords bilatéraux comme la CEB (Communauté électrique du Bénin), préfigurant une coopération régionale élargie. « Il avait compris que l’avenir du Togo était lié à celui de ses voisins », a-t-elle expliqué.

Son rôle clé dans la signature du traité de Lagos en 1975, puis ses trois mandats à la présidence de la Cedeao (1977-1978, 1980-1981, 1999), ont marqué des étapes décisives : harmonisation des politiques économiques, passeport communautaire, corridors économiques transnationaux comme Dakar-Lagos, politiques d’incitation aux investissements intra-régionaux. Mais au-delà de l’économie, le président Eyadema a aussi œuvré pour la stabilité politique, en pilotant des médiations complexes dans les crises au Liberia, en Sierra Leone ou en Côte d’Ivoire. « Sans paix, pas de développement », rappelait-il, justifiant ainsi les protocoles innovants de non-agression et de défense mutuelle entre États membres, signés sous son impulsion.
L’héritage institutionnel d’Eyadema apparaît aujourd’hui plus pertinent que jamais. Alors que la Cedeao fait face à de nouveaux défis – crises sécuritaires, changements climatiques, concurrence économique globale – les principes qu’il défendait (intégration progressive, souveraineté collective, paix comme préalable au développement) gardent toute leur actualité. Son intuition d’une Afrique de l’Ouest unie par des solidarités concrètes plutôt que par de simples traités trouve un écho particulier à l’ère de la ZLECAF.

Les autorités universitaires de Lomé avec à leur tête, le président de l’institution, le professeur Adama Mawulé Kpodar, et ses enseignants-chercheurs étaient présents à l’événement. Le discours de Dr Kuagbenu, fruit d’un travail académique rigoureux, a montré comment la recherche peut éclairer les enjeux contemporains. Le professeur Kadanga a d’ailleurs insisté sur la nécessité de « repenser les priorités stratégiques de la Cedeao » face aux défis climatiques et sécuritaires, un chantier où les universités ont un rôle clé à jouer.
La conclusion du ministre Awate Hodabalo, président du Comité d’organisation, a mis en avant la continuité historique incarnée par le Togo, aujourd’hui encore « pivot de la Cedeao » sous l’ère Faure Gnassingbé. Une exposition et des conférences annexes sont prévues jusqu’en juin pour prolonger les réflexions, notamment sur la « révolution verte » et l’appel du 30 août 1974.
Cinquante ans après sa création, la Cedeao reste un modèle d’intégration africaine, porté par des figures comme Gnassingbé Eyadema. Cette conférence a non seulement honoré sa mémoire, mais aussi rappelé que son rêve d’une Afrique de l’Ouest unie et prospère est un chantier toujours ouvert. À l’Université de Lomé, foyer de savoir et d’innovation, cette commémoration s’inscrit dans une mission plus large : former les générations futures à porter cet idéal, pour une Cedeao des peuples, pas seulement celle des traités.
